QU’EST-CE QU’UN GESTIONNAIRE AGILE?

Véritable gardien de la culture agile au sein de l’organisation, le gestionnaire agile doit développer certaines habiletés et compétences. Portrait-robot de ce leader bienveillant.

Au service de son équipe, à la fois facilitateur et catalyseur, le gestionnaire est l’une des pierres angulaires sur lesquelles s’appuie la culture agile lorsqu’elle est déployée au sein d’une entreprise. Voici ce qui distingue ce leader du modèle traditionnel.

Un coach bienveillant et flexible
Flexible et capable de s’adapter rapidement au changement, le gestionnaire agile sait revoir ses plans et prendre des décisions dans un environnement complexe et imprévisible. En d’autres termes, le monde VICA (volatile, incertain, complexe et ambigu) ne lui fait pas peur.

«C’est lui qui amène de la clarté dans un contexte de travail qui peut être chaotique. Il est capable de prendre le recul nécessaire pour évaluer les options et collaborer avec les parties prenantes, et ce, afin de stabiliser ou transformer les situations pour sortir du chaos», précise Catherine-Julie Charette, consultante en développement organisationnel qui coache et forme des leaders à l’agilité organisationnelle. Pragmatique, il favorise les gestes concrets plutôt que l’analyse à outrance, laquelle peut d’ailleurs conduire à l’inaction et même à la paralysie.

Mais attention à ne pas confondre agilité et rapidité. «Oui, on gagne du temps en étant agile, mais il faut aussi savoir donner une direction au mouvement, rester connecté aux priorités des équipes et des clients», met en garde Julie Carignan, CRHA, associée et consultante chez Humance.

Autre caractéristique incontournable du leader agile : c’est un coach qui permet aux individus d’apprendre et de se développer constamment, en particulier parce qu’il les responsabilise. Il ne fournit pas les réponses, mais accompagne dans la recherche de solutions. «Il mise sur une relation d’adulte à adulte avec les employés, et non pas de parent à enfant. Il reconnaît l’interdépendance de l’équipe, et la coresponsabilité de celle-ci pour atteindre le succès», illustre Catherine-Julie Charette.

De l’avis d’Annie-Claude Jutras, directrice principale, transformation des centres de relations clients chez Desjardins où l’on est en train d’implanter le mode agile, en plus d’être un coach, le gestionnaire agile est aussi un servant leader. «Il se met au service de son équipe, il est là pour les appuyer quand elles en ont besoin», mentionne-t-elle.

Si le gestionnaire agile ose donner des responsabilités, il sait aussi comment le faire de façon adéquate. «C’est en déléguant qu’on responsabilise les gens, et pas en pelletant les tâches! Il faut plutôt expliquer quelle est la contribution attendue, demander au collaborateur s’il est prêt à le faire tout en lui fournissant les outils nécessaires pour y parvenir», indique Philippe Mast, CRHA, consultant, conférencier, formateur et cofondateur de la firme CORTO.REV. En tant que facilitateur, le leader agile met aussi en place des pratiques qui éliminent les barrières et les contraintes afin de simplifier la tâche et le travail des employés.

Mais ce n’est pas tout. «Dans un mode de gestion agile, il faut savoir amener son équipe à faire preuve de créativité, d’où la nécessité de se montrer bienveillant vis-à-vis d’elle», ajoute Philippe Mast. Autrement dit, donner le droit à l’erreur et la marge de manœuvre nécessaire pour expérimenter.

Parallèlement, le leader devra faire preuve de transparence, montrer sa propre vulnérabilité et dire «je ne sais pas» quand il ne connaît pas la réponse. C’est ainsi qu’on pourra nouer un lien de confiance solide avec son équipe.

L’agilité managériale, ça s’apprend
Est-il possible de développer les compétences et d’adopter les comportements du gestionnaire agile? Absolument, même si le rythme et la capacité d’apprentissage dépendent de chacun. «Au départ, on doit être capable de faire preuve d’une certaine introspection, mais aussi de mettre son ego de côté», conseille Philippe Mast. Cet aspect constitue d’ailleurs l’une des limites à l’intégration des valeurs agiles.

Pour sa part, Julie Carignan souligne qu’elle a accompagné de nombreux gestionnaires dans cette démarche. Elle a ainsi pu constater qu’il est souvent plus facile de devenir agile en groupe et en équipe de gestion, plutôt que sur une base individuelle. «J’ai aussi remarqué que certaines perceptions erronées peuvent constituer un frein. Par exemple, des gestionnaires pensent que tout doit être planifié avant de passer à l’exécution. Or, avec le mode agile, on expérimente rapidement sur un mode d’itérations courtes, ce qui permet d’ajuster le tir plus vite si cela ne fonctionne pas. Il faut donc admettre que cela peut ne pas être parfait du premier coup», explique-t-elle.

Enfin, une fois qu’on a acquis ces nouveaux réflexes, la vigilance est de mise pour ne pas retomber dans ses vieilles habitudes de gestion traditionnelle. «L’agilité requiert un certain état d’esprit, et nécessite qu’on accepte qu’on ne puisse pas tout prévoir et contrôler. Plusieurs leaders m’ont déjà dit que le plus difficile, c’est de désapprendre, et qu’ils sont devenus agiles le jour où ils se sont reconnectés à leurs propres valeurs», conclut Catherine-Julie Charette.

Source: Revue Gestion, par Emmanuelle Grill