UN EMPLOYEUR PEUT-IL OBLIGER SON EMPLOYÉ A RETIRER UN TATOUAGE OU UN PIERCING?

Il y a quelques semaines à peine, un arbitre de grief rendait une décision pour le cas d’un agent de bord d’Air Canada à qui l’on avait demandé de respecter sa politique concernant les tatouages et les piercings.

Quelles sont les balises légales à ce sujet ?

En fait, au fil du temps, les tribunaux québécois ont généralement estimé que les tatouages et les piercings faisaient partie des droits fondamentaux protégés par la Charte des droits et libertés.

De façon plus particulière, on a considéré que le droit à la liberté d’expression et à la vie privée était protégé par la Charte, estimant que le tatouage faisait partie du droit à l’image, découlant de la liberté d’expression.

C’est donc dire qu’un employeur ne peut, de façon unilatérale, interdire complètement à ses travailleurs le port de tatouages ou de piercings.

Directive de l’employeur

Un employeur peut-il cependant émettre une directive au sujet du tatouage et du piercing ?

La réponse à cette question est positive. Précisons tout d’abord qu’une telle directive ne pourra se fonder sur des motifs reliés uniquement à la qualité esthétique des tatouages ou des piercings.

Parmi les motifs qui pourraient être invoqués pour procéder à une interdiction totale ou partielle, il y a les questions reliées à la santé et à la sécurité des travailleurs. Ainsi, les piercings comportant d’immenses pendentifs pouvant être facilement pris dans un appareillage mécanique pourraient être interdits, car comportant un danger pour la santé et la sécurité des travailleurs concernés.

Type de travail

On doit aussi tenir compte du travail exercé dans l’appréciation de ce qui sera interdit par la politique de l’employeur. Par exemple, il a été décidé qu’un membre d’un corps policier ne pouvait exhiber un tatouage comportant une tête de mort sur ses avant-bras et ses mains. On a estimé que l’image et les valeurs projetées auprès du public porteraient atteinte à la crédibilité du corps policier concerné.

De façon générale, tout comme l’a fait l’arbitre de grief dans le cas de l’agent de bord employé par Air Canada, on permettra le port de tatouages discrets, qui ne sont pas offensants, ni sexistes ni racistes, et qui n’ont aucun lien avec la nudité, la violence, les drogues, l’alcool ou avec des motifs de harcèlement.

Quant aux piercings, particulièrement les boucles d’oreilles, certaines décisions en ont limité le diamètre et le nombre.

En résumé, le port de ce qui est permis concernant les tatouages et les piercings repose fortement sur le bon sens.

D’un côté, l’employeur ne peut procéder à une interdiction totale des tatouages et des piercings ; de l’autre, l’employé doit s’assurer que ceux-ci ne font pas l’apologie des éléments mentionnés précédemment et qu’ils tiennent également compte de leur impact sur la clientèle desservie par l’employeur, qu’il s’agisse d’un employeur privé ou public.

Source: Le Journal de Montréal, par Bernard Cliche