SEMAINE DE TRAVAIL DE 30H OU BIEN 4 JOURS: DES ENTREPRISES D’ICI RÉINVENTENT LE TRAVAIL POST-PANDÉMIE

Semaines de 4 jours, le 9 à 5 mis au rancart, banque de journées de congé: les entreprises rivalisent d’imagination pour attirer des candidats ou tout simplement pour garder leurs employés dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre. Et la pandémie a accéléré l’implantation de telles mesures.

C’est après avoir mené un sondage auprès de ses employées que Deloitte Australie a décidé de se débarrasser du traditionnel 9 à 5. Le quart songeait à démissionner pour avoir un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Les 10 000 employés de l’entreprise possèdent désormais une plus grande flexibilité sur le nombre d’heures qu’ils travaillent et sur leur présence au bureau.

Plus près de chez nous, le retour à la normale post-pandémique mêlé à une importante pénurie de main-d’œuvre forment une tempête parfaite pour que les entreprises d’ici sentent le besoin de se réinventer afin d’attirer des employés, mais aussi pour les garder.

L’entreprise de t-shirts aux designs funky Poches et Fils l’a bien compris et mise désormais sur les semaines de 4 jours depuis le 5 juillet dernier. «L’objectif est de réduire le stress et augmenter le bien-être des employés», explique Camille Hamelin, cheffe de la direction de Poches et Fils, en entrevue avec le 24 heures.

«L’hiver dernier, j’ai essayé ça en utilisant ma banque de jours de vacances pour avoir mes vendredis de congé et, honnêtement, ç’a été bénéfique pour ma santé mentale. Je me suis dit que si ça marche pour moi, ça pourrait marcher pour les autres», ajoute-t-elle.

Après avoir consulté ses employés – qui étaient enthousiastes à l’idée – l’entreprise d’une trentaine de tête a décidé d’instaurer un projet pilote visant à réduire le nombre d’heures travaillées chaque semaine, tout en maintenant le même salaire pour le personnel administratif. Les employés à la production, qui sont, pour leur part, payés à l’heure, ont pu en arriver individuellement à une entente qui leur convenait.

Même s’il est un peu tôt pour tirer des conclusions du projet pilote, un sondage mené à l’interne démontre que l’expérience est à ce jour un succès. Quelque 60% des employés sondés ont affirmé que leur niveau de stress avait diminué et le reste a indiqué qu’il était resté le même. «Mais le plus important, c’est qu’il n’y en a pas un qui a dit que son stress avait augmenté», note Camille Hamelin.

Autre point positif: 100% des personnes questionnées ont dit que cette journée libre supplémentaire leur permettait d’inclure plus de sport à leur routine, «ce qui est bon à long terme aussi».

Une tendance appelée à croître

Si la tendance est encore marginale au Québec, la réduction du nombre d’heures sans perte de salaire deviendra de plus en plus populaire chez les entreprises d’ici, croit Geneviève Provencher, présidente de Flow, une firme qui accompagne les entreprises souhaitant offrir plus de flexibilité à leur main-d’œuvre.

«Parmi tous les courants qu’on voit, on constate que la semaine de 40 heures n’est vraiment plus populaire. Travailler 37,5 heures c’est une chose, mais on dirait que 40 heures, c’est exagéré», précise-t-elle.

Son entreprise Flow prêche par l’exemple: tous les employés travaillent au maximum 30 heures par semaine, réparties au gré de la personne. Plusieurs travaillent même à l’étranger.

Une solution gagnant-gagnant

Permettre une plus grande flexibilité à ses employés ne bénéficie pas seulement ces derniers, mais aussi les dirigeants et gestionnaires. Nombre d’études ont démontré que la productivité demeure la même, malgré des heures réduites. C’est également ce qu’ont pu constater les gestionnaires récalcitrants au télétravail durant la pandémie.

«Il y a une grande confiance qui s’installe entre les gestionnaires et leurs employés. Ils détiennent une grande responsabilité qui fait en sorte qu’ils se sentent plus écoutés et valorisés», note la présidente et fondatrice de Flow.

Poches et Fils a constaté que la semaine de 4 jours demande aux employés de délaisser certaines tâches plus superflues et de maximiser les heures travaillées, ce qui représente un défi pour certains d’entre eux et l’un des seuls écueils du projet pilote. «Augmenter sa productivité de 20% demande une gestion de son temps efficace. On offre d’ailleurs des formations sur la gestion du temps aux employés qui en ressentent le besoin», souligne Camille Hamelin.

Et en plus, la flexibilité ne coûte pas plus cher à l’entreprise, affirme Geneviève Provencher. Une véritable solution «gagnant-gagnant».

Source: Journal de Montréal, par Andrea Lubeck